Il y a quelques temps déjà, un ami m’a raconté une anecdote. Dans une soirée entre amis, on lui lance : “Vas y  danse, ça c’est pour toi, la musique des Antilles”. On pensais lui faire plaisir en lui mettant un morceau bien rythmé de “la compagnie créole”.

Chers ami, “la compagnie créole” est une musique chanté par des antillo-guyanais mais ce n’est pas une musique antillaise ! Les antillais ne se reconnaissent pas dans la compagnie créole, pas plus dans le rythme que dans les paroles. Pourtant la compagnie créole a fait de belles chansons…cependant quel est le nom du style musical de toutes ces chansons : il n’y en a pas!!!  A l’époque de la compagnie créole on écoutait au Antilles du compas d’Haïti, du reggae de la Jamaïque, de la soca et calypso de Trinidad, Candance-lypso de la Dominique, la salsa de Cuba… , le merengue de Saint-Domingue. Sans oublier la musique américaine et française cela va de soi.

Tous ces styles surtout caribéens sont écoutés mais aussi joués aux antilles. En effet un album d’un artiste antillais avait le plus souvent plusieurs styles musicaux. Est-ce qu’il n’existait pas de styles musicaux aux Antilles? Bien sûr que oui… Pendant l’esclavage est ressortis un style musical qui s’est affiné et enrichi avec le temps notamment de par sa danse : le Bèlè en Martinique et le Gro-ka en Guadeloupe. Pour les deux styles la musique est basé essentiellement sur du rythme : tambour et ti-bois,  héritage de l’Afrique.

Après la période de l’esclavage sont restées des musiques de l’Europe déjà présentes durant l’esclavage : la mazurka et la quadrille. Au contact du bèlè et Gro-ka ces deux styles musicaux sont devenus très rythmés. C’est d’ailleurs pour cela que l’ont parle par exemple de Mazurka Créole ou Mazouk.  De tout cela est né un style musical propre aux Antilles : la biguine. C’était un style musical très moderne à l’époque qui a eu ses heures de gloire jusqu’après la seconde guerre mondiale.

Mais en 1970, la Biguine était considérée comme une musique  “folklorique”. D’ailleurs dans la musique folklorique aux Antilles, on met la biguine au même rang que la mazurka et la quadrille. Pour moi, quand on dit folklorique c’est pour dire que ces musiques sont figées dans le temps… impossible donc de les faire évoluer. Et c’est à mon avis comme cela qu’une musique devient démodée. Bref, en tout cas dans les années 70, il semblait que les Antilles n’avait plus de musique moderne qui leur était propre.

C’est ce même constat qu’ont fait les membres fondateurs de Kassav. Je ne vais pas retracer l’histoire de Kassav, il y a d’excellents articles sur le net y compris Wikipédia. Cependant, ce qui m’ intéresse dans cet article c’est la démarche musicale de Kassav pour créer un rythme moderne propre aux Antilles.

Entre parenthèse, il y a une ligne conductrice dans la démarche de kassav : “la qualité”. Que ce soit dans les albums ou lors des concerts une chose frappe d’entrée, c’est la qualité du son. Ils ne se sont entourés que de personnes professionnels et qui produisent ce qu’il y a de meilleur.

Revenons donc à la démarche de Kassav. Je vais m’appuyer sur une vidéo qui retrace une partie d’un concert de Kassav. Je crois que c’est leur premier Zénith. Jean-Phillippe Marthély explique comment faire un Zouk en faisant apparaître les éléments un après l’autre.

  • Dans un premier temps, il fait apparaître le tempo qui sera puissamment martelé tout au long de la musique. Ce tempo rappelle le cha-cha ou maracas qui rythme le gro-ka de la Guadeloupe.

  • Le deuxième rythme qu’il fait apparaître rappelle le ti-bois du bèlè, le “tak pitak pitak tak”.

Un tak tak tak qui lié au tempo du début fait entendre un 4 bits au lieu de trois, ce qui donne “tak boum tak tak.”

  • Ensuite vient un autre “tak ou boum” joué sur une traverse de bambou dans la vidéo. C’est généralement sur cette traverse que se joue le ti-bois ou sur la partie en bois du tambour derrière le tambouyé (le joueur de tambour).  Ce son rappelle celui joué par les goupes de rue. Il est assourdissant et martelé puissamment.
  • A 2’57 de la vidéo une des femmes joue à un instrument en corne de lambi ( gros coquillage des mers) et invite le public à participer, comme cela se fait dans les carnavals, les tours de Yoles ( à l’arrivée des bateaux) ou autres rassemblements populaires. C’est cela que Kassav reproduit sur scène avec les trompettes. Un groupe de rue sur scène, c’est beaucoup l’idée de Kassav avec en plus des percussions, la mélodie.

  • par la suite Jean-phillippe Marthély demande à la basse de jouer une seule note. Ce son accentue la tempo du départ. De ce fait plusieurs bits se superposent, mais avec des instruments différents. C’est cette accentuation de la basse qui a fait le succès entre autre de “zouk la se sèl medikaman nou ni”. Si bien que certains proposent même qu’il devienne l’hymne musical de la Caraïbes.

    – par la suite interviennent les synthétiseurs. Les débuts de kassav riment aussi avec l’arrivée sur le marché des synthétiseurs et kassav décide d’intégrer cela à ses musiques pour une touche encore plus moderne.

    – Jacob décide d’intégrer des rifles de guitare électrique comme vers le milieu (à partir de 3’47) de notre première vidéo.

Le zouk de kassav c’est donc l’utilisation des rythmes racines des Antilles au profit ou pour créer une musique moderne.

Partant de ce même principe, voyons d’autres rythmes utilisés dans la musique de Kassav….

Mais cela ce sera pour un autre soleil… à siuvre… pliss foss!!